vendredi 23 décembre 2011

Shield Your Eyes / Volume 4





Avec une belle constance, Shield Your Eyes publie Volume 4, le quatrième album studio du trio en 4 ans. On reconnait que Volume 4 n’est pas un choix de titre qui brille par son originalité mais, honnêtement, il s’agit bien là du seul petit défaut que l’on pourrait trouver à ce disque. Stef Ketteringham – chanteur/guitariste rouquin et survolté – avait annoncé à qui voulait bien l’entendre que ce nouvel album serait de loin le meilleur de toute la discographie de son groupe. Un peu de fanfaronnade cela n’a jamais fait de mal à personne, surtout lorsque ce qui est initialement annoncé se révèle vrai sur toute la ligne : Volume 4 est bien le meilleur disque de Shield Your Eyes en ce sens qu’il est le plus complet, le mieux écrit, le plus diversifié, le mieux enregistré et sûrement aussi le plus inspiré.
On avait pu regretter avec les disques précédents du trio un petit manque à l’écoute du résultat – Shield Your Eyes, malgré des efforts évidents, étant toujours meilleur en concert que sur disque. Volume 4 permet au groupe d’obtenir enfin un résultat satisfaisant. Est-ce parce que le bassiste Nick Bavin est toujours à son poste alors que tous ses prédécesseurs n’y avaient jamais fait long feu ? Est-ce parce que les londoniens sont allés s’isoler pendant une dizaine de jours à la fin de l’hiver 2011 au Norfolk Hotel, sur l’île de Jersey, pour l’enregistrement du disque ? Capté en prise directe et en live dans la grande salle du restaurant de cet hôtel, Volume 4 sonne miraculeusement bien* : on y retrouve toute l’intensité de Shield Your Eyes en concert et on touche également au plus près les subtilités et les finesses de sa musique.
Celle-ci n’a pas beaucoup évolué depuis Theme From Kindness, le troisième album du groupe, mais Volume 4 en accentue encore davantage les particularités et les raffinements. Et ceux-ci sont plus que nombreux. On avait l’habitude de connaître Shield Your Eyes sous un angle parfois très noise rock avec des compositions débridées emmenées par la voix éraillée et le jeu tordu de Stef Ketteringham à la guitare ainsi que par le jeu proprement hallucinant du batteur Henri Grimes, toujours entre puissance de frappe et équations différentielles. On retrouve cet aspect à la fois très frontal et biscornu sur nombre de titres de Volume 4 (l’inaugural Larkspur, Tryna Lean A Ladder Up Against The Wind et Brno), aspect soutenu par des lignes de basse qui s’entendent et donnent plus de groove à l’ensemble. Mais on note nombre de titres plus lents, plus posés, toujours dotés de mélodies tordues, parfois proches d’un blues émotif (Drill Your Heavy Heart et Until I Find A Natural Way), d’autres fois faisant plus que flirter avec une certaine élégance pop (You Merit High Hopes a même un côté emo-punk certain**).
Phénomène qui s’amplifie également de plus en plus chez Shield Your Eyes : les titres acoustiques. Et on n’aurait jamais cru que ceux-ci puissent autant élever la musique du groupe en direction du sublime, à l’image du vraiment très beau Glad, alors que Crowd joue plus la carte de l’intimé rassurante. Dernier titre du disque, Schutze Deiner Augen est quasiment un vrai blues – chant et guitare uniquement –, un blues à la fois fort reconnaissable et en même temps dévoyé par cette façon très spéciale qu’ont le chant et la guitare de partir en vrille, de se contorsionner et de retomber débout sur leurs pattes, tels deux félins facétieux. Shield Your Eyes a définitivement gagné ses galons avec ce magnifique Volume 4.

C’est Function records – le même label que Nitkowski – qui a publié ce disque et comme pour le Stay In The Home You Love de leurs petits camarades, le Volume 4 de Shield Your Eyes est un combo LP + CD agrémenté d’un superbe livret de 16 pages avec moult belles photos de l’enregistrement dans cet hôtel de l’île de Jersey.

* ajoutez à cela un mastering signé James Plotkin et vous aurez tout compris
** je ne sais toujours pas si c’est une référence voulue ou pas mais Shield Your Eyes est à l’origine une chanson de Jawbreaker (premier titre de l’album Bivouac, en 1992)